Une histoire de saints

Une véritable communion des saints chez les fondateurs et fondatrices de l’Église canadienne…

Des vocations et missions différentes, des âges et des parcours variés, mais une communion des âmes dans le même amour de Dieu et du prochain. Les fondateurs et fondatrices de l’Église canadienne ont vu leurs vies liées par diverses circonstances, tant spirituelles que temporelles. En voici quelques exemples.

Marie de l’Incarnation et Marie-Catherine de Saint-Augustin

Marie de l’Incarnation est arrivée en 1639, tandis que Marie-Catherine de Saint-Augustin est arrivée neuf ans plus tard, en 1648. Étant donné le fait du cloître, les deux femmes ne s’étaient pas connues, jusqu’au jour où, le 30 décembre 1650, un grand incendie éclate au monastère des Ursulines. C’est alors que les Augustines vont accueillir leurs compagnes « sans abri » durant trois semaines, où elles vont vivre toutes ensemble la même vie communautaire.

Cet événement permit à Marie de l’Incarnation, supérieure des Ursulines, de côtoyer de près la jeune hospitalière qu’était encore Marie-Catherine, ayant tout juste 18 ans, de connaître son intérieur et sa force d’âme.

De même, Marie de l’Incarnation, étant elle-même une femme avisée dont la vie mystique et spirituelle était profonde, put témoigner, après le décès de Marie-Catherine à 36 ans, qu’elle eut connaissance des grâces particulières qui avaient jalonné son parcours. Elle en écrivit à son fils Claude en ces termes :

« Il a bien des histoires que l’on tient secrètes pour quelque temps, et dont l’on dit qu’il y a assez de matière pour faire un juste volume. Ce sont des choses extraordinaires, dont je ne dirai rien, mais je vous parlerai volontiers de ses vertus dont je fais plus d’état que des miracles et des prodiges. Elle servait les pauvres avec une force et vigueur admirable. C’était la fille du monde la plus charitable aux malades, et pour sa charité elle était singulièrement aimée de tout le monde, aussi bien que pour sa douceur, sa ferveur, sa patience, sa persévérance, ayant eu plus de huit ans la fièvre sans garder le lit, sans se plaindre, sans désister de faire son obéissance, sans perdre ses exercices, soit de chœur, soit de ses offices, soit de Communauté. Mon très-cher fils, les vertus de cette trempe sont plus à estimer que les miracles. Et ce qui en est l’excellence, c’est que quand elle est morte, aucune de la Communauté ne savait qu’il y eut jamais eu en elle rien d’extraordinaire, non pas même sa supérieure, Mgr l’Évêque seul le savait avec son Directeur. Priez notre divin Sauveur qu’il me donne une aussi sainte vie et une aussi sainte mort qu’à cette bonne fille. Elle n’avait que seize ans quand elle est venue en ce pays, ayant fait sa profession par les chemins. »

De Québec, le 7 de septembre 1668.

Marie-Catherine de Saint-Augustin et François de Laval

François de Laval arriva au pays en 1659 en tant que premier évêque. Marie-Catherine de Saint-Augustin n’avait pas encore reçu le sacrement de la confirmation, car elle était trop jeune lorsque l’évêque était passé dans sa ville en France. Elle reçut donc ce sacrement par les mains de Mgr de Laval le 24 août 1659.

Aussi, Marie-Catherine de Saint-Augustin avait un directeur spirituel, le Père Paul Ragueneau, S.J., C’est à lui seul qu’elle confiait les grâces de sa vie mystique et le cheminement de son âme. Toutefois, l’évêque était aussi tenu au courant par le Père Ragueneau. C’est ainsi qu’il connut plus en profondeur la sainteté de son âme. Après sa mort, il en parla comme suit :

 

« (…) il y a grand sujet de bénir Dieu de la conduite qu’il a tenue sur notre Sœur Catherine de Saint-Augustin : c’était une âme qu’il s’était choisie pour lui communiquer des grâces très-particulières : sa sainteté sera mieux connue dans le Ciel qu’en cette vie ; car assurément elle est extraordinaire. Elle a beaucoup souffert avec une fidélité inviolable, et un courage qui était capable de tout embrasser pour difficile qu’il fût. Je n’ai pas besoin des choses extraordinaires qui se sont passées en elle pour être convaincu de sa sainteté; ses véritables vertus me la font parfaitement connaître.

Dieu a fait une faveur bien particulière à nos Hospitalières de Québec, et même à tout le Canada, lorsqu’il a envoyé cette Âme qui lui était si chère. »

À Québec, le 10 octobre 1669

François de Laval et Marie de l’Incarnation

Lors de son arrivée à Québec, François de Laval a été hébergé chez les Augustines durant les trois premiers mois, puis, dès septembre, il prend place dans une habitation du monastère des Ursulines dans laquelle étaient hébergées les pensionnaires.

Voici comment Marie de l’Incarnation raconte à son fils le choix qu’a fait la communauté :

« Je vous ai dit que l’on n’attendait pas d’Évêque cette année. Aussi n’a-t-il rien trouvé de prêt pour le recevoir quand il est arrivé. Nous lui avons prêté notre Séminaire qui est à un des coins de notre clôture et tout proche la Paroisse. (…) Nous en serons incommodées, parce qu’il nous faut loger nos Séminaristes dans nos appartements ; mais le sujet le mérite et nous porterons cette incommodité avec plaisir jusqu’à ce que sa Maison Épiscopale soit bâtie. »
À Québec, septembre-octobre 1659

 

François de Laval a proposé à Marie de l’Incarnation de changer les règles des constitutions de la communauté des Ursulines de Québec qu’elles avaient mis des années à concevoir, elle, ses compagnes et leur aumônier. Cette proposition a été rejetée avec délicatesse et fermeté. Voici une lettre adressée à la supérieure des Ursulines de Tours, qui en fait état :

« Ma chère Mère, l’affaire est déjà toute pensée et la résolution toute prise : nous ne l’accepterons pas si ce n’est à l’extrémité de l’obéissance. Nous ne disons mot néanmoins pour ne pas aigrir les affaires (…). »
À Québec, 13 septembre 1661

Jean de Brébeuf et Marie-Catherine de Saint-Augustin

Quoique ces deux personnes ne se soient jamais connues personnellement de leur vivant, leurs âmes ne furent pas moins liées pour une même cause.

Marie-Catherine de Saint-Augustin est arrivée au pays le 19 août 1648, à peine sept mois avant la mort de Jean de Brébeuf, le 16 mars 1649. Aussi, celui-ci était très loin de Québec où Marie-Catherine est toujours restée. Elle ne l’a donc jamais rencontré, mais elle a été au courant de sa mort en martyr pour sa foi. Elle eut envers son âme dans le ciel une grande admiration.

Puis, durant les six dernières années de sa vie, soit de 1662 à 1668, alors que le Père Paul Ragueneau avait dû retourner en France, c’est l’âme de Jean de Brébeuf qui accompagna et guida Marie-Catherine dans son cheminement spirituel. Il fut pour elle un véritable « directeur spirituel céleste ».

 

Marie de l’Incarnation et les saints Martyrs

Marie de l’Incarnation racontera dans le détail les martyrs des saints Jésuites. Ici, elle raconte à son fils l’admiration qu’elle a pour ces témoins de l’amour de Jésus, le Verbe Incarné.

« Le présent le plus précieux en tout, est l’esprit du sacré Verbe incarné, quand il le donne d’une façon sublime, comme il le donne à quelques âmes que je connais de cette nouvelle Église, et comme il l’a donné à nos saints Martyrs les Révérends Pères de Brébeuf, Daniel, Jogues et l’Allemant, qui ont fait paraître par leurs généreux courages combien leur cœur était rempli de cet esprit et de l’amour de la croix de leur bon Maître. C’est cet esprit qui fait courir par mer et par terre les ouvriers de l’Évangile et qui les fait des Martyrs vivants avant que le fer et le feu les consume. Les travaux inconcevables qu’il leur faut endurer sont des miracles plus grands que de ressusciter les morts. »

À Québec, 22 octobre 1649